8 Décembre 2019_ Autour de la repentance

8 Décembre 2019_ Autour de la repentance

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2e dimanche de l’Avent

 Repentez-vous ! car le royaume de Dieu s’est approché !

Repentez-vous !

 On traduit aussi parfois “convertissez-vous “… mais c’est déjà une première interprétation

Métanoéo : pour les auteurs du Nouveau Testament, c’est bien rigoureusement :  repentez-vous ! (se convertir : c’est épistrépho)

Ainsi commence la prédication de Jean le Baptiste :

“Repentez-vous !”

Et c’est sur cette notion de repentance que je vous invite à méditer aujourd’hui,

Autour de ce mot : “repentance”,

Un mot, qui spontanément ne nous est pas sympathique… voire qui nous donne de l’urticaire

Mais , parce que l’évangile du jour nous y engage,

je crois qu’il nous est utile de redécouvrir ce mot-là, “repentance”  même s’il fait peur ou si il rebute… parce que c’est bien par ce mot et ce message que s’ouvre l’Évangile

Et pas seulement dans la prédication de Jean-Baptiste, mais aussi dans la prédication de Jésus lui-même, puisque les premières paroles publiques de Jésus dans l’évangile de Matthieu, après l’épisode de la tentation au désert, sont mot pour mot les mêmes : Jésus dit lui aussi :

–  Repentez-vous car le royaume des cieux s’est approché…

la repentance : est donc le premier mot de la bonne nouvelle qui nous est annoncée par Jean le Baptiste et qui nous est donnée en Christ !

Et pour ma part, je ne peux pas me résoudre à laisser ce mot réduit à une caricature doloriste et déformante, entre masochisme et haine de soi.

La repentance, ce n’est pas de l’autodénigrement, c’est le premier mot de l’Évangile.

Et à ce titre il mérite bien que nous nous y arrêtions pour mieux le comprendre.

Le verbe repentir, metanoéo, est un verbe composé, formé de la préposition méta qui signifie “après”, et du verbe noéo, qui signifie “penser”…

Métanoéo signifie donc : “réfléchir après telle parole ou tel fait qui entraîne un changement intérieur”

Vous voyez donc que dans la métanoïa, dans la repentance, il y a certes bien de la “conversion” – un changement de comportement, qui est en germe : mais c’est d’abord et avant tout un changement intérieur, un changement de point de vue, un changement de la pensée… qui précède le changement de comportement.

Et ce qui initie ce changement de pensée, c’est… quelque chose qui fait événement :

  • Une voix qui crie dans un désert… un passage de l’écriture….un événement du quotidien, une rencontre…. Le chant d’un coq… Que sais-je… mais quelque chose à un moment donné, fait événement, me fait prendre conscience de ma faute, de mon péché, de mon égarement, de la parodie d’amour à laquelle je me livre, du mal que j’ai produit, où que j’ai laissé faire…

Et cette prise de conscience-là, c’est vrai est le plus souvent douloureuse, pénible…

Au point que la tentation est grande de chercher à l’anesthésier… par exemple en cherchant un bouc émissaire, un alibi, ou un autre responsable commode vers qui renvoyer notre malaise…

Et je pense à cette petite histoire que racontent les Pères du désert, et qui est parlante comme une parabole :

Il s’agit d’un moine qui était très ennuyé parce qu’il était sujet à des accès de colère, qui se dit : “Je vais me retirer à l’écart et n’ayant plus de rapports avec qui que ce soit, cette colère me quittera.”

 Il partit donc et demeura seul dans une caverne.

 Un jour, ayant rempli sa cruche d’eau, il la posa à terre et aussitôt elle se renversa.

Il la remplit, et elle se renversa encore…

Il la remplit une troisième fois et elle se renversa de même… alors saisi de colère, il l’empoigna et la brisa, et c’est ainsi en plein désert que ce moine découvrit que, s’il avait quitté la compagnie des hommes, la colère, elle, ne l’avait pas quitté pour autant… elle était donc profondément installée chez lui.

Ce n’est pas aisé que de vivre ce genre de prise de conscience, et nous sommes tous confrontés à des réalités comparables… et aux mêmes tentations…de botter en touche et de refuser de faire face ou de fuir la réalité.

Et peut-être que si nous sommes à ce point fuyants par rapport à ces prises de conscience… Si nous nous dérobons si rapidement à une vraie repentance, je crois que c’est que, consciemment ou non, nous pensons que le fait de nous repentir, le fait d’avoir conscience de notre faute, de l’avouer en mettant des mots dessus, nous condamnera à vivre avec des remords !

Et même si le dicton dit “faute avouée est à moitié pardonnée….” … et même si quand nous étions enfant ce dicton nous poussait peut-être à avouer nos fautes à nos parents… devenu adulte nous nous disons que pardonner à moitié n’est pas pardonner… et que reconnaître nos fautes, nous repentir : c’est endosser le costume du responsable et coupable… et que c’est le genre costume qui ne nous plaît pas du tout, et dont on risque d’avoir du mal à se défaire.. de quoi nourrir des remords indéfiniment !

Et cela nous fait peur !

Cela nous est insupportable

Et avec raison…

L’exemple le plus poignant d’une prise de conscience et d’un aveu qui s’est soldé par des remords c’est celui de Judas…. Et ça s’est très mal terminé.

Judas prend conscience de sa faute, il met des mots dessus, il ne se contente pas de penser mais il tente de faire quelque chose, il retourne vers les prêtres, il se fait remballer de manière criminelle par ces derniers qui lui disent : “Que nous importe ! cela te regarde !”

Et Judas, renvoyé à sa solitude par ceux-là mêmes qui auraient pu lui manifester la proximité de Dieu… Judas se retrouve dans une impasse, obscure s’il en est… celle du remord, ce remord va l’étrangler, et il y  laissera sa vie.

Frères et sœurs,

S’il y a un mensonge dangereux et qu’il faut démasquer urgemment, c’est bien celui qui veut nous faire croire que la prise de conscience de nos fautes et leur reconnaissance conduit inexorablement à nous enfermer dans le remord…

Ce mensonge qu’il nous faut dénoncer, c’est celui qui confond repentance avec remord…

Parce que confondre repentance avec remord…

c’est confondre un chemin de vie avec un chemin de mort !

L’apôtre Pierre a vécu une situation apparemment très proche de Judas : un manque de fidélité avéré… un reniement public, lui le leader parmi les disciples… a connu lui aussi le choc de la prise de conscience, l’amertume qui se dit dans des larmes…mais de toute évidence  son histoire a trouvé une toute autre issue…

Je crois que la différence entre l’itinéraire de Judas et celui de Pierre ne tient pas à la gravité de leur faute respective, la différence entre l’histoire de Judas et celle de Pierre  c’est vraiment celle qui existe entre la repentance et le remord.

La repentance nous tourne vers celui que nous avons offensé , pour lui ouvrir notre cœur dans une demande de pardon, mais le remord laisse le cœur replié sur lui-même…

Le remord, quand il s’exprime dans notre vie, nous conduit à verser des larmes, mais c’est des larmes sur nous-mêmes, qui nous noient dans la solitude et, faute d’espérer un pardon, nous figent dans le passé…

La repentance, quand elle s’exprime dans notre vie, nous conduit sans doute aussi à verser des larmes, mais c’est devant Dieu, et parce qu’elles s’ancrent dans une espérance, qui est celle du pardon et de la grâce, ces larmes nous ouvrent un avenir.

Comment faire face à la vérité de nos vies pleines de failles et de taches, comment affronter nos fautes et notre péché sans sombrer dans le remord …par définition mortifère ?

La repentance, frères et sœurs, est la seule alternative véritable et sûre

entre le déni illusoire et insolent de nos fautes et de notre péché,

et le remord destructeur et sans issue.

Oui, “Repentez- vous”

C’est le début de l’Évangile

Jean le baptiste comme Jésus nous y invitent

Et tous deux nous disent un argument supplémentaire  :

“Repentez-vous car le royaume des cieux s’est approché !”

Mais si les mots sont les mêmes, je pense que les accents que l’un et l’autre y mettent sont différents et complémentaires…

Je pense que pour Jean, le fait que le royaume se soit approché est pour lui une réalité temporelle et spatiale : c’est ici et maintenant le temps du messie  et de la révélation de Dieu. Et dans ce temps lumineux, où la présence de Dieu est imminente, tout est dévoilé, et le péché et les fautes des hommes deviennent évidents…

En quelque sorte Jean, dit : repentez-vous car vous êtes pécheurs, et avec le royaume de Dieu c’est le jugement de Dieu qui est imminentc’est le temps de la moisson. Alors semble dire Jean : Ouvrez votre cœur tel qu’il est, humblement devant Dieu… puisqu’il est proche.

Je crois que Jésus, lui, exprime quelque chose de différent dans cette phrase…

Parce que pour Jésus le royaume de Dieu, le règne de Dieu, est en fait une réalité qui ne connaît de limite ni de temps ni de lieu…

En fait, vous le savez bien, le règne de Dieu ne connaît qu’une limite : le refus de l’homme…

La mise à distance que Dieu subit par le refus de l’homme…

Et cette distance que l’homme impose à Dieu…Dieu ne peut pas l’annuler de lui-même, parce que c’est l’espace de la liberté de l’homme, et que l’annuler rendrait impossible le projet d’amour de Dieu… qui ne peut rester un amour vrai que s’il est vécu dans la liberté.

Je crois que, dans la bouche de Jésus, “le royaume des cieux s’est approché” peut être entendu comme l’ouverture de Dieu à l’homme : ce n’est plus l’homme qui est invité à ouvrir son cœur à Dieu, mais Dieu qui en Jésus ouvre son cœur à l’homme…

Dieu en Jésus dit son amour infini à l’humanité, son amour qui se heurte au refus, et qui pourtant ne se lasse pas d’aimer jusqu’à en mourir, son amour qui éclaire la loi et la foi…

Oui en Jésus le royaume de Dieu s’est approché, et le cœur de Dieu s’est dévoilé à l’homme, pour l’homme, pour l’inviter à faire un pas à son tour, pour l’inviter à donner une réponse de liberté…. Pour Jésus, différemment de Jean, ce n’est pas tant le temps des moissons que celui des semailles.

En Jésus, Dieu dans un geste de vulnérabilité étonnant, Dieu ouvre son cœur à l’homme… Et plus encore… en devenant un homme, nous montre combien nous-mêmes, en notre humanité, pouvons aussi aimer… d’une manière extraordinaire. Quelle semence extraordinaire !

Voilà comment Dieu et son royaume en Christ s’approchent…

Mais peut-être vous rappelez-vous de la réaction de Pierre lors de sa première rencontre avec Jésus… à l’occasion d’une pêche inespérée, miraculeuse :

Pierre a dit : “Éloigne-toi de moi car je suis un homme pécheur !”. La réalité de notre péché et de nos fautes semble rendre insupportables la proximité et l’abondance de l’amour de Dieu.

Et c’est pourquoi, je crois, Jésus commence sa prédication de l’Évangile par une invitation à la repentance.

Non pas comme un devoir imposé ou comme une exigence rituelle, mais comme une manière de pouvoir entendre cet amour qui veut se dire…. Qui s’approche

En vivant une véritable metanoïa : c’est-à-dire acceptant de re-penser ma faute à nouveau frais dans la vérité,

…non plus avant tout comme ce qui me dénonce et me condamne, mais comme le lieu où Dieu me révèle son amour sans limite… parce que lui ne craint pas de s’approcher de moi…

– Repentez-vous, dit le Baptiste : ouvrez votre cœur à celui qui vient

– Repentez-vous, dit le Christ : Dieu vous ouvre son cœur et vient vers vous

Oui vraiment le royaume des cieux s’est approché,

Et de manière tout à fait étonnante

La repentance

Pour nous est devenue véritablement une bonne nouvelle.   Amen.

 

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