Une femme pauvre, un berger fou… (Luc 15 (1-32)- 15 Septembre 2019

Une femme pauvre, un berger fou… (Luc 15 (1-32)- 15 Septembre 2019

Ces deux petites paraboles et la troisième qui fait suite et que nous n’avons pas lu (parce que vous la connaissez par cœur) , la parabole du fils prodigue, ou la parabole du père et de ses deux fils… ces trois paraboles nous parlent toutes de la joie… et de la fête extraordinaire qui accompagne naturellement dans le royaume de Dieu, le fait de retrouver quelque chose, ou quelqu’un qui était perdu !

Quand on a cherché beaucoup, quand on a espéré longtemps !

Quand on a bien cru qu’on avait perdu quelque chose qui nous est cher et qu’on retrouve alors là c’est la fête !

 Et cela n’est pas le cas uniquement dans les paraboles de Jésus c’est vrai dans chacune de nos vies bien sûr !

Pensez à la dernière fois que vous avez cru avoir perdu vos clés, ou votre portefeuille, ou pire catastrophe des catastrophes perdu votre téléphone portable, ou votre code d’accès wifi… et que vous l’avez retrouvé ! vous étiez soulagés, non ?

Et pour les parents d’enfants qui bougent un peu… vous vous rappelez la première fois  que votre enfant à échapper un instant à votre vigilance… la panique que c’était …et la joie de le retrouver !

Parfois quand on est parents on est tellement content de retrouver celui qu’on cherchait partout que quand  enfin on le trouve … pour lui dire notre joie ! On lui passe un savon de première :

–         Mais où qu’t’étais !

–         Tu te rends pas compte combien on a eu peur !

–          T’as vu dans quel état tu as mis ta mère !

–          C’est pas possible d’avoir la boujotte comme cela !

–         C’est terminer !  on ira plus se balader ici !

… vous vous rappelez comme cela respire la joie  parfois les retrouvailles !

Et pourtant c’est la vraie joie !

Plus on tient aux choses, et a forciori plus on tient aux personnes plus notre joie est grande de les retrouver !

Même si parfois avant de faire la fête, de mettre un bel habit et un anneau au doigt et avant de faire préparer un banquet pour fêter les retrouvailles… nous avons du mal à ne pas faire un petit sermon, sur l’inquiétude qu’ils nous ont causés, et leur avoir fait promettre de ne surtout pas recommencer… ce que ne fait pas le père de la parabole des deux fils…ce que ne fait pas non plus le berger avec sa brebis en quête d’indépendance… et ce que l’on n’imagine naturellement jamais faire à une pièce de monnaie que l’on a égaré !  (« Mais qu’t’étais ! Je t’interdis de recommencer ! »)

En fait les deux paraboles que nous avons entendues, ne développent pas beaucoup la psychologie ovine de Mme la Brebis pas plus que la psychologie pécuniaire de la pièce de monnaie !

Et c’est sans doute exprès parce que ce qui intéresse Jésus dans ces paraboles c’est de nous parler non pas des pièces d’argent ou des moutons, ni même des enfants qui s’égarent parfois : ce qui intéresse Jésus c’est de parler de ce qui se passe dans le cœur et dans la tête de ce berger, de cette femme ou de ce père… et s’il y a une psychologie à décrypter dans l’affaire et bien il se pourrait que ce soit celle de ceux à qui Jésus raconte ces paraboles…

Rappelez-vous du tout début du texte :

« 1 Les employés des impôts et les pécheurs s’approchent tous de Jésus pour l’écouter. 2 Les Pharisiens et les maîtres de la loi critiquent Jésus et disent : « Cet homme accueille les pécheurs et il mange avec eux ! »

Ah…. ! Alors c’est cela qui préoccupe Jésus… c’est bien notre manière de nous regarder les uns les autres…

Voilà qu’il en est quelques-uns pour trouver que Jésus s’intéresse de trop près aux autres… que l’on ne peut pas décemment être à la fois avec les uns et avec les autres… que Jésus devrait choisir son camp, ou son clan !

On ne peut pas être à la fois avec des gens religieux, sérieux, instruits, sophistiqués, et en même temps avec des vagabonds, des filles des rues, des collaborateurs de l’occupant, des complices de nos ennemis…

C’est cela la situation qui pousse Jésus à raconter ces petites histoires ! qui mine de rien sont tout sauf des histoires gentillettes !

Et Jésus ne choisit pas la facilité en choisissant ces personnages !

Pour parler à des juifs très rigoureux et à des chefs religieux, il leur propose de s’identifier : à une femme…et autant vous dire qu’à l’époque de Jésus , les chefs religieux étaient plus que misogynes et les femmes étaient très loin d’avoir les mêmes droits que les hommes… et Jésus leur propose de s’identifier à un berger, hors Le métier de berger (on en a plus du tout conscience aujourd’hui) était tout à fait méprisable, tellement méprisable qu’il était interdit par la loi religieuse à ceux qui voulaient restés purs.

Un traité rabbinique de l’époque de Jésus donne incidemment une liste des métiers les plus méprisables

Par ordre décroissant on trouve : « joueur de dés, usurier, organisateur de concours de pigeons, marchand de produit de l’année de jachère, berger et collecteur d’impôt. »

 Etre berger était plus méprisable qu’être un de ces collecteurs d’impôt qui travaillaient pour le compte de l’occupant romain !

Alors vraiment si Jésus espère les faire changer en les invitant à s’identifier à une femme ou un berger…et en plus plus, un berger assez fou pour laisser toutes seules 99 brebis – non pas bien au chaud en sécurité au bercail, mais en plein désert…

Lequel d’entre-vous (s’il était berger) ne laisserait-il pas ces 99 brebis  en plein désert pour aller chercher comme un fou, celle qui fait sa crise d’indépendance…. ?

On peut lui donner la réponse nous-même à Jésus : Personne ! Il n’y aura personne assez fou pour faire çà !Oui personne ne ferait cela !

Mais en fait Jésus dans ces paraboles poursuit un autre but encore : il ne cherche pas à leur clouer le bec… ce qu’il veut c’est leur parler de Dieu…

Non  ces chefs religieux, décidément ne se mettraient pas dans la peau d’une femme, ou dans celle d’un berger : cela n’est pas de leur niveau !

Soit !

Jésus leur dit : mais Dieu lui est comme cela !

Dieu est comme cette femme, et une femme très pauvre en plus, si pauvre (qu’elle n’a pas le tiers du smic pour vivre) … si pauvre qu’elle n’a pas à hésiter une seconde et se lance dans le grand ménage, à reprendre de fond en comble la maison, jusqu’à ce qu’elle est trouvée la petite pièce qu’elle avait perdue : parce que cette petite pièce n’est pas sans valeur, et que quand on est très pauvre, la moindre pièce a une grande valeur !

Oui Jésus parle de Dieu aux pharisiens, et il en parle comme d’une humble femme qui ne se résout pas à perdre le peu qu’elle a.

Jésus parle de Dieu est comme d’un berger fou d’amour pour la moindre brebis !

et s’il est vrai que ce berger à un grand troupeau de brebis, c’est qu’il ne fait pas de tableau de statistiques, qu’il ne calcule pas de ratio de perte et de profits…avec lui il n’y a pas un individu qui vaille la peine d’être perdu pour la sécurité du plus grand nombre… avec ce berger, pas de brebis galeuse, pas de bouc émissaire, aucun dégraissage de l’effectif pour raison économique !  

Dieu est un berger qui a 100 brebis , et il ne veut abandonner aucune d’elles… car demain alors il deviendrait le berger aux 99 brebis, et le surlendemain sans doute au 98, puis au 97… pour devenir un berger non pas aux 100 brebis mais un berger sans aucune brebis.

Si Dieu abandonne un seul homme (même Judas), demain son royaume sera désert et son cœur vide.

 Cela veut dire que les pharisiens, et les maîtres de la loi se retrouveront dehors si Dieu laisse dehors un seul péager, un seul pécheur !

Oui un seul homme abandonné, et c’est le filet de la miséricorde de Dieu qui craque à tout jamais !

Un seul homme, une seule femme définitivement rejeté ou délaissé, et c’est le barrage  de l’amour qui se fissure et laisse se déverser les flots de la perdition et de la colère !

A ceux qui enragent de voir Jésus se compromettre avec les uns et les autres, à ceux qui s’érigent en juges des uns et des autres… Jésus leur montre que le sort des uns est lié au sort des autres…

Jésus ne veux pas piéger les pharisiens et les maîtres de la loi mais les arracher à leur fauteuil de juges et les faire entrer dans l’histoire de la miséricorde de Dieu…

il veut leur montrer que ces petites histoires en paraboles sont leur histoire… Le salut qui se joue là, la joie qui en découle est pour les uns et pour les autres !

Plutôt que juger, dénigrer, se jalouser, se protéger, se rétrécir, se distinguer les uns des autres, Dieu nous invite à nous réjouir avec lui du salut de ceux qui étaient perdus parce que c’est aussi pour nous la chance de notre vie !

C’est ainsi qu’il y a plus de joie au ciel pour un seul pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui pensent ne pas avoir besoin de changer radicalement !

Si j’entends bien ce que Jésus dit-là : c’est que se convertir ce n’est pas tant un effort de l’être humain, mais c’est l’œuvre gracieuse de Dieu… c’est être retrouvé par Dieu !

Je prie pour que ces paraboles de Jésus nous arrachent nous aussi à nos fauteuils de juge, à la tristesse de nos comparaisons, à la froide banalité de nos jugements les uns sur les autres.

Je prie pour que vous et moi découvrions que c’est Dieu qui sans cesse nous cherche jusqu’à ce qu’il  nous ait trouvé !

 Je prie pour que nous soyons en mesure de partager la joie de Dieu quand il retrouve une de nos sœurs ou un de nos frères !

Je prie pour que nous ayons l’audace de cette communion les uns avec les autres, qui nous fait nous attendre les uns les autres, espérer les uns pour les autres, prier les uns pour les autres, nous supporter, nous accueillir les autres !

Alors que nous connaîtrons la joie véritable, cette joie universelle nous rassemblera… en un mot cette joie nous fera vivre… et Jésus n’aura pas raconté ces paraboles en vain.

Que celui qui a des oreilles pour entendre… qu’il entende !

Amen !

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