Luc 6 : 12 Septembre 2021

Luc 6 : 12 Septembre 2021

Prédication sur Luc 6 v 27 a 38

Le texte que nous venons d’entendre fait partie de ce que la tradition chrétienne appelle avec un brin d’emphase  « le Sermon sur la montagne »…

Une « montagne » ( !) au risque de faire passer la petite colline qui se situe en bordure du lac de Galilée pour un sommet alpin aux neiges éternelles (ce qui fera rire ceux qui ont eu la chance de visiter ce lieu)… mais au risque surtout de nous faire prendre ce sermon pour un sommet, un genre d’ « Everest de la foi »,une voie réservée aux alpinistes chevronnés, une spiritualité de « haut niveau » réservée à quelques rares athlètes, saints et martyres, devant lesquels on se prosterne respectueusement tout en se félicitant de n’être pas à leur place.

Je ne sais pas si vous avez remarqué à quel point tant qu’il s’agit du milieu professionnel çà se bouscule pour décrocher les premières place… c’est fou le nombre de gens qui aspirent à devenir « premier de cordée »… mais dans le domaine de la foi… quand il s’agit de vivre concrètement le sermon sur la montagne… soudain on est tout content de laisser les premières places à d’autres ! Seulement je crois que l’on s’égare totalement si on fait de l’amour des ennemis un sommet de la foi chrétienne ! Ce n’est pas le sommet,  ce n’est pas non plus une option réservé à quelques pro : non ! c’est la base ! Ce n’est pas le christianisme vécu à son plus haut degré ou un christianisme radical, c’est simplement le B-A Ba et en même temps le centre de la bonne nouvelle de Jésus, c’est le cœur brulant de la révélation de Dieu…

Avec l’appel à l’amour des ennemis on se trouve au cœur du réacteur nucléaire,  à la source de l’énergie monumentale d’amour que proclame la foi chrétienne !

Ceci posé, un peu abruptement je l’admets… on peut alors c’est vrai avoir envie d’y réfléchir à deux fois avant de s’afficher « chrétien » !

Si c’est çà, la base, si c’est là le commencement et le cœur de la foi chrétienne… cela mérite tout de même 5 minutes de réflexion avant d’avoir l’audace insensée de dire : « oui c’est bien là ma foi, c’est vraiment ma conviction, ma joie et mon espérance… au point d’y engager toute ma vie ! »

Comme cette célébration nous offre quelques minutes pour réfléchir là-dessus… allons-y réfléchissons !

Jésus donne cette enseignement dans la suite immédiate des béatitudes, vous savez cette série de paroles et de promesses paradoxales qui commencent toutes par « heureux »… (heureux les pauvres, heureux les doux, heureux ceux qui pleurent…etc). Et vous savez aussi que la particularité des béatitudes  dans l’évangile de Luc… c’est de ne pas se contenter d’égrainer benoitement les « bienheureux »  mais de poursuivre par une série de « malheur » à vous… les riches car vous avez déjà votre récompense… malheur à vous qui riez, malheur à vous dont tout le monde dit du bien…car c’est ainsi qu’on agit avec les faux prophètes…

Cette petite remarque sur le contexte immédiat pour souligner que l’enseignement que Jésus donne n’est pas une morale gentillette, il ne s’agit pas d’un petit sermon pour enfants sages : c’est une interpellation vigoureuse de quiconque veut bien l’écouter ! Si il y a du bonheur, il y a aussi du malheur à la clé ! çà c’est pour vous donner un peu la « tonalité de la partition » !

Jésus vient bousculer notre logique, il vient mettre la pagaille dans notre comptabilité de boutiquier, dans nos bons principe de prudence, dans la tendance quasi-maniaque qui est la nôtre de tout étiqueter pour nous rassurer et il vient même contester ce qui est semble-t-il notre plus grande passion,  notre sport favori qui consiste à juger de tout et de tout le monde… à toute occasion !

L’amour des ennemis ce n’est pas une figure de style, c’est bien plus qu’un oxymore, c’est une révolution! … et sitôt qu’il s’agit de passer de la théorie à la pratique, alors nous nous dépéchons de qestionner sa possibilité !

Nous sommes au lendemain du premier jour du procès des attentats au Bataclan-près de 6 ans après ces assassinats de masse, dans deux jours nous serons le 11 Septembre et la communauté internationale commémorera les 20 ans des attentats des tours jumelles NewYork… tristes anniversaires

Qu’elles sont difficiles à lire ces lignes de l’évangile, si on veut les mettre en pratique aujourd’hui !

Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient.  « A qui te frappe sur une joue, présente encore l’autre. A qui te prend ton manteau, ne refuse pas non plus ta tunique. A quiconque te demande, donne, et à qui te prend ton bien, ne le réclame pas.

Comment ne pas les trouver insupportables ces paroles et comment y entendre autre chose qu’une invitation à un genre passivité aussi masochiste qu’intenable face à la violence !

Quand on se trouve ainsi face à des paroles difficiles, une des plus sûrs méthodes pour vérifier la bonne manière de les entendre et de les interpréter est  d’observer comme le Christ dans son existence les a lui-même mis en pratique… et croyez-moi ce n’est pas une approche « spécifiquement protestante », Thomas d’Aquin lui-même la mise en pratique sur ce texte justement..en allant voir comment Jésus s’y est pris lui-même quand il a reçu une giffle sur la joue !

Vous vous rappelez, c’était lors de son interrogatoire devant le grand prêtre, un soldat le giffle et Jésus ne lui tend pas l’autre joue comme si il en redemandait… pas du tout ! Jésus s’adresse à celui qui l’a gifflé en lui demandant : « Si j’ai mal parlé montre- moi en quoi  et si j’ai bien parlé pourquoi me frappes-tu ? »… vous voyez que c’est tout sauf de la passivité !

Mais en le questionnant ainsi d’homme à homme, Jésus lui montre une autre face de lui-même ! Il n’est pas simplement un prévenu face à un soldat il est un homme qui s’adresse à un autre homme !

C’est Martin Luther King, qui commentant ce même texte, disait Jésus ne nous demande pas d’avoir de la sympathie pour nos ennemis : Il y a des actes et des personnages qui n’appelle aucune sympathie et aucune complaisance à leur endroit…et qu’il s’agit de combattre. Mais Jésus ne nous demande pas d’avoir de la sympathie pour nos ennemis, il nous demande d’avoir le même amour que Dieu a pour chaque être humain qu’il a créé pour qu’il soit à son image.

Vous savez comme moi que le point commun entre le régime nazie, Daesh et tout système barbare est précisément de parvenir à déhumaniser l’ennemi… quand il n’est plus mon semblable alors je peux en faire n’importe quoi !… jusqu’aux pires atrocités !

Oui l’amour des ennemis n’est pas le sommet de la vie chrétienne, c’est la base…. il nous faut nous en souvenir sans cesse au jour du combat comme au jour du jugement…

« Vous n’aurez pas ma haine » a écrit le mari d’une des victimes… vous ne nous entrainerez pas sur ce terrain de l’inhumanité… Ainsi aimer l’ennemie c’est combattre la barbarie… sans rien céder, surtout pas, de notre dignité humaine.

Jésus l’a vécu jusqu’au bout… pas comme un héro jusque-boutiste – pas comme un virtuose du religieux : comme un homme !

un homme de parole qui s’efforce  de vivre ce qu’il dit comme il s’est efforcer durant tout son ministère de dire et de partager ce qu’il vivait…

Je suis bouleversé de réaliser que sur la croix Jésus ne déclare pas lui-même son pardon pour ses bourreaux… peut-être était-ce au-dessus de ses forces (peut-être cela aurait été aussi violent)…. mais il prie pour ses bourreaux en disant :Père pardonne-leurs car ils ne savent pas ce qu’ils font. Jésus prie pour ceux qui le calomnient

Frères et sœurs,nous ne sommes pas forcément appelé à devenir des athètes de haut-niveau dans la foi, je ne sais trop si notre monde a besoin de virtuose de la spiritualité…. mais ce que je sais c’est que notre monde a un ardent besoins de disciples de Jésus-Christ, des hommes et des femmes ordinaires qui garderont un regard humains sur les autres humains…

Notre monde à besoin d’hommes et de femmes ordinaire qui demandent à Dieu de pardonner à d’autre… quand peut-être cela demeure au-dessus de leur force…

Oui j’aime à penser que Jésus a choisi avec soin un colline très accessible de Galilée pour permettre à chacun de le rejoindre et d’entendre et de vivre l’évangile de l’amour qui fait des nous .

Amen.

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