La première place à table (Luc 14, 1-14) -1er Septembre 2019

La première place à table (Luc 14, 1-14) -1er Septembre 2019

Lectures : Proverbes 4.1-9 (Hélène Vial),  Luc 14.1-14

Prédication

Une fois de plus l’évangile nous donne à méditer sur un repas… je dis une fois de plus parce qu’effectivement à lire l’évangile de Luc, Jésus passe une bonne partie de son temps à table : c’est (si je compte bien) le quatrième repas de nous raconte Luc !

Et bien sûr avec Jésus, le repas ne se résume pas à une expérience gastronomique :

  • il va y avoir des paroles, pour l’hôte qui le reçoit,
  • il va y avoir une parabole pour les autres invités, des plus prestigieux au plus petit… et même pour le plus petit d’entre eux : pour cet homme « hydropique », cet homme malade et couvert d’œdèmes,
  • il va y avoir plus que des mots : il va y avoir rien de moins qu’un miracle!

C’est comme cela que ça se passe les repas avec Jésus !

Il y en a pour le ventre et pour la tête, pour le cœur et pour l’âme !

On en prend plein les yeux… et il y en a même certains qui en prennent plein la figure !

Je ne suis pas sûr que lorsqu’au début d’un repas, on prend un temps de prière ou que l’on chante un bénédicité du genre « Jésus, soit à notre table l’hôte aimé nous t’en prions… »… je ne suis pas sûr que l’on soit vraiment prêt à accueillir Jésus à notre table !

Parce que cela risque de bousculer pas mal… et on pourrait bien finir le repas en étant fâchés avec tous les autres convives…. Je me demande si ce n’est pour cela en fait que la pratique de chanter ou de prier avant les repas semble perde aujourd’hui !

Peut-être que lorsqu’on connaît Jésus, on se méfie un peu… et on hésite à le convier à notre table… parce que cela risque de nous décaper un peu ! … on a tord : çà vaut le coup d’inviter Jésus à sa table… çà va mettre un peu de piment dans les assiettes !

En tout cas ce chef des pharisiens est sans doute moins timoré que nous, lui il n’a pas hésité à inviter Jésus et il a bien fait parce que cela nous offre une belle page d’évangile.

Oh ! vous allez-me dire : rien que du classique et du prévisible dans cette page d’évangile :

  • Jésus déjoue un piège qu’on lui tend au sujet du shabbat,
  • il cloue le bec des pharisiens sur la question,
  • il fait une guérison en un clin d’œil (ou tout du moins en une phrase de trois mots) ,
  • et il en profite au passage pour donner une bonne leçon d’humilité à tout le monde, ce qui va un peu de soi mais ne nous fait pas de mal à chacun !

Pas de quoi en faire tout un plat : c’est archi classique pour peu que l’on soit un peu familier de l’évangile.

S’en est presque banal ! Et comme peut-être ici il y a peu de véritables hydropiques et peu de véritable pharisiens… il y a aussi peu de chances que cette page d’évangile puisse véritablement nous bouleverser !

D’ailleurs l’idée de vouloir être à la meilleure, à la première place dans un dîner… cela ne se fait pas on le sait depuis toujours ! On a quand même un minimum de correction ! pas besoin de Jésus pour apprendre cette politesse élémentaire ! …

Et pire … si il faut comprendre la leçon d’humilité de la parabole, comme de la bonne stratégie pour pouvoir s’attirer les honneurs facilement, dans un genre de fausse modestie tactique, où l’on ferait exprès de choisir le dernier rang pour avoir le suprême plaisir d’être inviter à monter plus haut… si c’est vraiment cela la leçon de sagesse de Jésus… et bien je pourrais le trouver fort décevant !

A moins que les choses soient moins évidentes qu’il n’y paraît à première vue, et qu’il y ait peut-être d’autres choses encore à entendre aujourd’hui !

Au cours de ce repas, Jésus choisi de raconter une parabole de repas, mais il prend soin d’introduire des petits décalages d’importance : ce n’est pas un simple repas comme celui du pharisien… mais c’est un repas de noces… et les invités de ce repas ne se disputent pas les meilleures places, mais ils veulent la « première place » !

La première place d’un repas de noce… c’est la place… de la mariée si on en France – et si on est en Palestine aux temps bibliques… et bien c’est la place du marié !

Qui est donc ce quelqu’un qui t’a invité à la noce ?

Qui est donc l’époux qui de droit s’installera à la première place ?

L’interprétation de la parabole est moins simple qu’il n’y paraît et Jésus, lui qui ailleurs parle de lui-même comme de l’époux, ne nous donne pas les clés pour décrypter ce qu’il vient de dire !

Qui va s’abaisser, qui va être élever… tout l’évangile et le paradoxe des noces de l’agneau est-là comme à peine suggérer… mais nous invite soudain à une véritable humilité…

  • Qui oserait prétendre à la place de l’époux ?
  • Qui pourrait choisir en vérité la voie si exigeante du dépouillement radicale ?

Jésus lui-même préfère semble-t-il laisser l’interrogation irrésolue !

La seule certitude c’est que dans cette parabole, aucun convive et pas même l’époux n’est maître de la place qu’il occupe : tout est entre les mains de celui qui a invité à ce repas de noces.

Alors du coup nous sortons de la parabole, un peu désarçonnés…

Du moment que Jésus se trouve à table avec nous quelque chose est bousculé… et si il y a des leçons d’humilité, cela ne se résumera pas à une stratégie de bienséance !

 Parce que c’est Jésus qui est là, au repas de ce pharisien, nos idées toutes faites pourraient bien pour le coup être un peu chamboulées…

D’ailleurs je vous ferai remarqué que Jésus semble avoir plus de sympathie pour les pharisiens que nous… sur les 4 repas que nous raconte l’évangile de Luc jusque là : il y en a trois qui ont lieu chez des pharisiens

C’est bien la preuve que Jésus ne dédaigne pas leur compagnie… et qu’il se trouve tout de même quelques pharisiens qui veulent tisser du lien avec lui.

D’ailleurs dans la maison de chef des pharisiens, ce n’est pas banal,

mais qui est à la première place ? juste devant Jésus ?

Qui donc se trouve en face de Jésus ?

un lévite ? un grand prêtre ?

… non ! un malade ! un hydropique ! un homme plein d’eau !

Vous peut-être, moi… qui sait ?

Elle est longue la liste des hydropiques !

Connaissez vous le point commun qui unit saint Antoine de Padoue, Héraclite, Pépin le Bref, l’empereur Adrien, le compositeur Ludwig van Beethoven, le peintre Gustave Courbet, des auteurs comme Cervantes et Marivaux  ou St Thomas d’Aquin… et bien c’est qu’ils sont tous morts d’hydropisie !

Alors oui avec l’hydropique, c’est le malade qui est à la première place… c’est celui qui a besoin d’être guéri, sauvé, libéré qui a la première place…

L’évangile ne nous dit pas que cet homme atteint d’hydropisie  est entré en douce, clandestinement… il ne dit pas que cet homme malade est un intrus dans la maison si pure du chef des pharisiens…

 Oui contre toute attente…cet homme malade  est sans doute un des invités… et c’est lui qui est au premier rang !

Je ne sais pas si quelqu’un autour de la table voudrai se trouver à sa place avec ses symptômes d’œdème et d’épanchements, signes courant d’une insuffisance cardiaque souvent fatale…

 

Il est là, à la première place devant Jésus, ce jour du sabbat, cette homme plein d’eau… comme si il était resté au fond d’un puits depuis des lustres…et si pour Jésus il est clair qu’on ne laisse ni son enfant, ni même son bœuf s’ils sont tombés dans un puits, serait-ce un de shabbat…

 Jésus fait alors en trois mots le miracle le plus simple et le plus complet qui soit : il le prend avec lui, il le guéri, il le libère !

Merveille de simplicité et de plénitude que ces trois petits verbes (prendre, guérir, libérer) qui fait qu’il y en a au moins un qui va voir sa vie bouleversée par cette page de la bible, par ce repas où quelqu’un à eu la joyeuse audace d’inviter Jésus à sa table !

Oui ce jour l’hydropique, toi, moi… nous nous sommes retrouvés bien malgré nous au premier rang !

 Alors merci à ce pharisien d’avoir invité non seulement ses petits copains pharisiens, non seulement d’avoir eu l’audace d’inviter Jésus, mais aussi cet homme malade d’hydropisie… Jésus glisse au chef des pharisien avant de partir un petit encouragement pour qu’au prochain repas il n’y ait pas un seul mais  10 ou 20, une pleine tablée hydropiques…

C’est sûr quand ce jour viendra, on rira tous de bon cœur, de ceux qui se haussent du col et qui jouent des coudes pour se retrouver aux premières places !

Que celui qui a des oreilles pour entendre qu’il entende !

Amen !

 

 

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